Entretien avec le réalisateur Léo Marchand

Avant de rentrer en détail dans le processus de fabrication des Voisins de mes voisins sont mes voisins, une première question. Si vous êtes deux à l’avoir réalisé, vous serez le seul à vous exprimer sur ce film, une volonté de votre co- réalisatrice Anne- Laure Daffis.

Pouvez- vous nous expliquer pourquoi ?

Léo Marchand :  Aux yeux d’Anne-Laure, tout ce qu’elle a à dire est dans les films, elle n’a rien à rajouter. Ce n’est en rien une posture. Cet exercice ne l’intéresse simplement pas. Je me fais donc naturellement non pas son porte-parole mais le porte-parole de notre travail. 

Racontez-nous votre parcours qui vous a conduit à ce premier long métrage.

C’est l’ennui profond qui m’a mené au cinéma ! Avoir été toujours très peu dans la vie et assez détaché d’elle a créé chez moi ce besoin de se trouver un espace pour exister quand même et vivre des choses. On a fait tous nos films ensemble avec Anne-Laure. Des courts et des moyens métrages qu’on n’a jamais envisagés comme des galops d’essai pour gravir un jour une marche supplémentaire. Notre but n’a jamais été de réaliser un long métrage à tout prix. Car il y avait un préalable non négociable à un tel projet : qu’on puisse faire ce qu’on voulait comme on le voulait, sans aucune contrainte que nous ne nous imposions pas nous-mêmes, ni concession. Soit exactement ce qui s’est produit sur Les Voisins de mes voisins sont mes voisins. Même si on demande au début à quelques personnes choisies de lire (le synopsis détaillé ou le scénario pour avoir des retours) en revanche, on ne demande aucune validation pour rien. Ni à l’écriture, ni au montage ni sur le choix des comédiens… On est nourri par une idée de cinéma qu’on essaye de conduire à son terme.

Quand et comment vous êtes-vous rencontrés avec Anne-Laure Daffis ?

Au lycée. Puis on s’est un peu perdus de vue avant de se retrouver en fac d’Arts Plastiques. On a commencé à peindre ensemble sur les mêmes supports. Mais exposer dans des galeries ne nous a jamais intéressés. Dépendre d’un public et d’acheteurs galeristes ou particuliers nous a toujours posé problème. Au cinéma, on est payé pour le travail, la recherche qu’on engage pour faire le film pas pour le résultat, c’est très différent. En plus, le cinéma pouvait nous permettre de travailler  l’image, ce que nous faisions à la fac mais aussi sur l’écriture, le son… Sur ce terrain, nous ne nous sommes d’ailleurs jamais limités à l’animation. On a aussi réalisé un western avec Denis Lavant et même un documentaire. Comme spectateurs, on n’a d’ailleurs aucun goût particulier pour l’animation surtout en ce qui concerne les longs métrages qui sont pour la plupart des films de studio qui manquent cruellement d’inventions. C’est sans doute le fait d’envisager l’animation comme un terrain vierge qui nous a attirés. On a eu envie d’essayer de le défricher, dans l’idée d’offrir une proposition inédite.

Quel est le premier mouvement qui vous conduit à Les voisins de mes voisins sont mes voisins ?

Cette aventure trouve son origine en 2007 quand, suite aux multiples prix reçus au festival de Clermont- Ferrand avec notre court-métrage La Saint-Festin, le producteur Jean-Pierre Ramsay-Lévi est venu nous proposer une carte blanche pour réaliser un long. C’est lui qui a joué le rôle de déclencheur. On commence alors à écrire un scénario où plusieurs histoires s’entremêlent à l’intérieur d’un même immeuble et où l’ogre de La Saint-Festin est présent. Mais nous ne sommes pas suffisamment prêts à tout faire exactement comme sur nos courts, il nous manque encore quelques années de maturation. On se rend compte assez vite que nous n’avons pas la même idée de film que le producteur alors on rompt le contrat et, au fil du temps, on perd les droits sur notre scénario né de l’envie de raconter plusieurs histoires qui se croisent, façon Short cuts mais dominé par un ton humoristique. Ça a toujours été un projet de comédie, même si le film est habité par une certaine mélancolie, à commencer par cette idée de gens qui s’agitent désespérément en tous sens avant de finir figés, les uns dans un terrible accident de la route, les autres dans un ascenseur en panne et d’autres encore dans un gigantesque bouchon sur les autoroutes. On s’est donc remis au travail après cette première tentative de long avortée et on a réalisé plusieurs courts et moyens métrages qui ont contribué à affiner et affirmer nos envies et nos choix de travail. Dans nos films, on « vole » énormément de choses à droite à gauche : des références, des images de cinéma. Pour Les Voisins de mes voisins sont mes voisins, on a eu aussi envie de piller nos propres films ! On a ainsi repris deux personnages de nos courts : un ogre et un magicien.

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